2012-315 Décision
- Représentante :
- Mary Ann Burke-Matheson, BSJP
- Décision No :
- 100001718315
- Type de décision :
- Comité d'appel
- Lieu de l'audition :
- Charlottetown, (Île-du-Prince-Édouard)
- Date de la décision :
- le 11 juillet 2012
Le comité d'appel de l'admissibilité décide :
APNÉE OBSTRUCTIVE DU SOMMEIL
Aucun droit à une indemnité n'est accordé pour cette invalidité puisqu'elle n'est pas consécutive à l'affection de polyarthrite rhumatoïde.
Article 46 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes.
Devant: |
Brent Taylor |
Membre présidant |
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J.M. Walsh |
Membre |
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Dorothy O'Keefe |
Membre |
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Motifs présentés par : |
Copie originale signée par:
Brent Taylor |
INTRODUCTION
L'appelant demande l'admissibilité à une pension d'invalidité pour un problème d'apnée obstructive du sommeil qui, selon lui, est une conséquence d'une invalidité pour laquelle il touche déjà une pension.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
L'audience a débuté le 5 juillet 2012, et l'avocate-conseil était présente. Comme il est expliqué ci-après, l'audience a été ajournée pour permettre à l'avocate-conseil d'examiner les documents de référence relatifs à l'apnée obstructive du sommeil (AOS) présentés par le Tribunal, puisque, par erreur, ces documents n'avaient pas été inclus dans l'exposé du cas. L'audience a repris le 11 juillet 2012. Il a alors été question des observations de l'avocate-conseil concernant les documents de référence, et la décision ci-après a été rendue.
QUESTIONS EN LITIGE
Le comité d'appel doit déterminer, en se fondant sur les éléments de preuve dont il dispose et en appliquant les articles 45 et 46 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, si l'AOS dont souffre l'appelant est une conséquence de sa polyarthrite rhumatoïde.
ÉLÉMENTS DE PREUVE ET DISCUSSION
L'appelant, qui est maintenant âgé de 55 ans, détient un droit à pension pour diverses invalidités actuellement évalué à 100 %, dont une proportion de 52 % est liée à la polyarthrite rhumatoïde (PR). Ce droit à pension lui a été accordé dans une proportion de deux cinquièmes dans une décision rendue en 1999 par un comité de révision du Tribunal.
Dix ans plus tard, à la suite d'examens du sommeil menés en septembre 2009, l'appelant a reçu un diagnostic d'« apnée du sommeil grave ». Le 23 août 2010, il a présenté une demande d'indemnités d'invalidité à Anciens Combattants Canada (le Ministère), attribuant son AOS à une prise de poids causée par son immobilité, découlant elle-même, du moins en partie, de la PR.
Après avoir consulté un conseiller médical de son personnel, le Ministère a refusé à l'appelant l'admissibilité à une pension d'invalidité dans une décision rendue le 6 janvier 2001. Voici un extrait de la lettre de décision du Ministère [P62-63] :
[traduction]- Selon la littérature médicale actuelle, l'apnée obstructive du sommeil se produit lorsque les muscles situés au fond de la gorge se détendent. Les facteurs de risque de l'apnée obstructive du sommeil ne peuvent être reliés à l'exercice de vos fonctions ou activités militaires. Parmi ces facteurs figurent l'excès de poids, la circonférence du cou, des voies respiratoires étroites, le sexe, l'âge et les antécédents familiaux.
- Le questionnaire médical daté d'octobre 2010 que vous avez joint à votre demande fait état d'un diagnostic d'apnée obstructive du sommeil.
- Cependant, nous avons consulté le conseiller médical du Ministère et avons constaté que votre trouble du sommeil découlait de facteurs non liés à votre service militaire et n'était pas une conséquence de l'affection ouvrant droit à pension dont vous souffrez, c'est-à-dire la polyarthrite rhumatoïde.
Après s'être vu refuser l'admissibilité par Anciens Combattants Canada dans une décision rendue en première instance, l'appelant a porté l'affaire devant un comité de révision du Tribunal le 17 août 2011. Après l'audience, le comité a décidé de confirmer le refus de l'admissibilité pour les deux invalidités. Voici un extrait de sa décision [P81-82] :
[traduction]
Plus précisément, le spécialiste, Dr Rebello, et le requérant reconnaissent tous les deux l'importance pour le requérant de modifier son régime alimentaire afin de perdre du poids. Le requérant affirme que c'est ce qu'il prévoit faire après la fête du Travail. En outre, il a admis que la natation était un exercice qu'il pouvait faire sans problème et que cela l'aiderait à perdre du poids.La lettre de la Dre Pacis datée du 18 février 2011 ne sert pas la cause du requérant, puisqu'elle ignore totalement le rôle du régime alimentaire du requérant dans sa prise de poids et attribue son manque d'activité à son problème de polyarthrite rhumatoïde. Le requérant admet lui-même qu'il ne fait pas d'exercice, comme de la natation, parce qu'il manque de motivation, et non pas parce qu'il souffre d'arthrite.
La décision ci-dessus a ensuite été présentée au comité d'appel en matière d'admissibilité du Tribunal, qui a tenu une audience le 5 juillet 2012. L'avocate-conseil a présenté des arguments écrits, accompagnés de nouveaux éléments de preuve; elle était présente pour formuler des observations.
L'avocate-conseil a présenté une nouvelle lettre de la Dre Ruth B. Pacis datée du 3 janvier 2012 (RD-W1) de même qu'une déclaration écrite de l'appelant datée du 1er décembre 2011 (RD-W3).
L'avocate-conseil a résumé les raisons invoquées par le comité de révision pour justifier sa décision et a rappelé au comité d'appel que l'appelant touchait aussi une pension pour de l'arthrose au genou gauche (autre conséquence de la PR). Selon l'évaluation, les os du genou frottaient maintenant les uns contre les autres.
Au cours de l'audience, le comité d'appel a remarqué que l'exposé du cas ne contenait pas de renseignements médicaux génériques sur les causes et les caractéristiques de l'AOS. Il a alors invité l'avocate-conseil à prendre connaissance d'un article sur lequel il allait se fonder pour rendre sa décision. Cet article, intitulé Obstructive Sleep Apnea, contenait des renseignements médicaux généraux de base et était accessible sur le Web à l'adresse www.mayoclinic.com.
L'avocate-conseil a contesté l'ajout de documents, soutenant que les renseignements que contenait déjà le dossier étaient suffisants pour permettre au comité de rendre une décision. Elle a aussi affirmé que la production de l'article de la clinique Mayo allait à l'encontre de l'équité procédurale puisqu'elle n'avait pas eu le temps de préparer des observations à ce sujet.
Le comité a immédiatement dit à l'avocate-conseil qu'il lui donnerait tout le temps nécessaire pour prendre connaissance de l'article et formuler d'autres observations. Le comité lui a aussi dit qu'elle pouvait revenir à une date ultérieure pour conclure ses observations orales. L'avocate-conseil a toutefois annoncé qu'elle préférait « retirer » l'appel.
Le comité a alors informé l'avocate-conseil que la décision de retirer des appels ne relevait pas des avocats-conseils. Le comité a précisé que, puisque l'audience avait déjà commencé et qu'il était saisi de l'affaire, l'avocate-conseil ne pouvait pas simplement retirer l'appel sans son accord. Il a indiqué qu'il allait suspendre brièvement l'audience pour examiner la demande. Il a invité l'avocate-conseil à sortir de la salle d'audience pour permettre aux membres du comité de discuter à savoir s'il était approprié d'autoriser le retrait de l'appel.
Après la suspension, le comité a invité l'avocate-conseil à revenir dans la salle d'audience; il l'a informée que la procédure allait se poursuivre, mais qu'elle bénéficierait d'un ajournement pour pouvoir prendre connaissance de l'article sur l'AOS et déterminer si de nouveaux éléments devaient être ajoutés à ses observations. Le comité a précisé que le document de référence ne contenait aucun renseignement controversé, car il faisait état d'un consensus médical sur les causes de l'apnée du sommeil. Le comité a ajouté que, compte tenu de la vaste expérience des membres du Tribunal et du Bureau de services juridiques des pensions relativement aux demandes de prestations d'invalidité en lien avec ce diagnostic au cours des dernières années, l'information contenue dans l'article ne devrait pas sembler nouvelle ou particulièrement complexe.
L'avocate-conseil a répondu qu'un ajournement de l'audience irait à l'encontre de l'article 40 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui charge le comité de traiter les dossiers sans formalisme et en procédure expéditive. Elle a dit au comité qu'elle aurait dû être informée plus tôt de l'existence de l'article de la clinique Mayo et qu'elle était en « colère » parce que plusieurs autres affaires récemment portées devant le comité avaient été ajournées pour permettre aux avocats-conseils d'examiner des éléments de preuve et de formuler d'autres observations. L'avocate-conseil a ajouté que ce genre de situation l'obligeait à expliquer à ses clients pourquoi leur dossier n'était pas toujours réglé le jour même de l'audience. Elle a aussi parlé de la possibilité que le comité demande l'avis d'un expert médical indépendant en vertu des pouvoirs que lui confère l'article 38 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Enfin, elle a affirmé que, en incluant l'article de la clinique Mayo comme document de référence, le comité semblait s'être érigé en adversaire dans ce qui est censé être un processus non accusatoire.
Le comité a rappelé à l'avocate-conseil que l'article 38 était une disposition discrétionnaire plutôt qu'une disposition obligatoire et que l'affaire dont il était saisi ne nécessitait pas d'avis médical indépendant, puisque l'information contre laquelle elle élevait une objection portait simplement sur l'étiologie fondamentale de l'AOS, qui n'était pas controversée.
Le comité a aussi souligné que l'explication qui accompagnait l'exposé du cas présenté avant l'audience faisait mention de tous les renseignements médicaux génériques et les documents de référence sur lesquels se fonde généralement le comité lorsqu'il rend ses décisions. Le comité a rappelé à l'avocate-conseil que, à la suite de la décision rendue par la Cour fédérale dans l'affaire Deschênes c. Canada (Procureur général), 2011 C.F. 449, il est devenu pratique courante pour le Tribunal d'inclure dans l'exposé de cas des renseignements médicaux génériques sur les affections ou les invalidités en cause lorsque le dossier du Ministère n'en explique pas déjà la nature, et lorsque les Directives médicales ou les Lignes directrices sur l'admissibilité au droit à pension du Ministère ne contiennent pas de données à jour à ce sujet.
Le comité a répété que, comme le Tribunal n'avait pas inclus les renseignements médicaux génériques sur l'AOS tirés de l'article de la clinique Mayo dans l'exposé du cas avant l'audience, l'avocate-conseil serait autorisée à prendre tout le temps raisonnable dont elle a besoin – même si elle devait dépasser le délai standard de 30 jours – pour formuler des observations sur l'un ou l'autre des nouveaux points soulevés dans cet article.
Quoi qu'il en soit, l'avocate-conseil a maintenu son objection, invoquant un manquement à l'équité procédurale, et a demandé que ses objections et interventions soient consignées par écrit. Le comité a pris note de ses objections et lui a assuré que sa décision en tiendrait pleinement compte (voir ci-après).
Le comité a désigné l'article de la clinique Mayo comme pièce à l'appui RD-W4 et en a remis une copie à l'avocate-conseil. L'audience a été ajournée jusqu'à ce que l'avocate-conseil se dise prête à reprendre ses observations orales ou, subsidiairement, à présenter d'autres arguments par écrit sur les renseignements contenus dans l'article.
Le 11 juillet 2012, six jours après la première audience et après que l'avocate-conseil eut préparé d'autres observations, le comité s'est réuni de nouveau et l'audience a repris. L'avocate-conseil, dans ses nouvelles observations écrites, est revenue sur les arguments qu'elle avait déjà présentés verbalement et par écrit et a demandé que soit accordé à l'appelant le droit à pension partiel pour l'AOS dont il souffre, en prenant soin de souligner que l'article de la clinique Mayo, le Dr Déziel et la Dre Pacis sont tous d'accord sur le fait qu'il existe un lien entre l'apnée du sommeil et l'obésité. Le comité a pris acte des commentaires supplémentaires de l'avocate-conseil et lui a dit qu'il n'avait pas d'autres questions à lui poser, outre celles qu'il lui avait déjà posées au début de l'audience du 5 juillet 2012.
ANALYSE/RAISONS
Dans toutes les instances dont est saisi le Tribunal des anciens combattants, l'évaluation des éléments de preuve est régie par l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), qui est libellé en ces termes :
39. Le Tribunal applique, à l'égard du demandeur ou de l'appelant, les règles suivantes en matière de preuve :
a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;
b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;
c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.
Comme l'a indiqué la Cour fédérale dans un certain nombre de jugements (et comme l'a confirmé récemment le juge Near dans la décision Carnegie c. Canada (Procureur général), 2012 C.F. 93), l'appelant doit établir son admissibilité selon la prépondérance des probabilités.
En vertu des articles 45 et 46 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, l'admissibilité est calculée en cinquièmes, pour tenir compte du degré auquel une prétendue invalidité peut être réputée avoir découlé ou être directement liée à une invalidité pour laquelle l'appelant reçoit déjà une pension.
Le comité d'appel a étudié attentivement les éléments de preuve historiques et récents en l'espèce et a conclu que la décision du comité de révision devait être confirmée. Il fournira plus loin dans le présent document le détail de sa réflexion sur le bien-fondé de l'appel relatif à la demande de prestations d'invalidité. Mais tout d'abord, le comité d'appel tient à répondre aux diverses questions soulevées par l'avocate-conseil dans les objections qu'elle a formulées lorsque le comité lui a présenté l'article de la clinique Mayo, au début de l'audience du 5 juillet 2012.
Questions soulevées à l'audience
L'avocate-conseil a contesté la présentation tardive de l'article de la clinique Mayo, et le comité a reconnu qu'il n'aurait pas été juste de s'attendre à ce qu'elle formule des observations précises à cet égard sur-le-champ, à l'audience. Le comité a donc offert à l'avocate-conseil de prendre tout le temps dont elle avait besoin pour prendre connaissance de l'article et lui a assuré qu'il ne rendrait pas de décision avant qu'elle ait eu suffisamment de temps pour modifier ses observations s'il y avait lieu.
Toutefois, le comité souligne aussi que la décision du Ministère datée du 6 janvier 2011 faisait en fait état de la question relative à la « littérature médicale à jour ». En l'espèce, la question que doit trancher le comité est de savoir si l'apnée du sommeil dont souffre l'appelant est directement liée à sa polyarthrite rhumatoïde. Que l'avocate-conseil ait ou non été informée à l'avance n'a aucune incidence sur la question à trancher.
Les avocats-conseils des pensions et les autres représentants doivent connaître les consensus médicaux concernant les causes et l'étiologie de l'affection à l'étude pour être en mesure de formuler des arguments au nom de leur client et d'établir que l'invalidité en cause est peut-être liée au service militaire de celui-ci. Pour se préparer à défendre les intérêts de leur client, les avocats-conseils chevronnés doivent tout simplement se renseigner sur la cause ou les causes de l'invalidité ou des invalidités faisant l'objet de la demande. Cette préparation est essentielle, que le Tribunal ait ou non inclus des renseignements médicaux génériques dans l'exposé du cas de leur client.
En l'espèce, la littérature n'avait pas été incluse dans l'exposé du cas. Le comité a donc présenté l'article de la clinique Mayo à l'audience pour que l'avocate-conseil ait accès aux mêmes renseignements qui lui et pour lui permettre de déterminer si cet article soulevait de nouvelles questions qu'elle aurait souhaité aborder à l'audience ou avant qu'une décision soit rendue.
Au bout du compte, les affaires dont le Tribunal est saisi doivent reposer sur des renseignements concrets. Bien qu'on ne s'entende peut-être pas sur la meilleure marche à suivre pour trouver les renseignements médicaux génériques que le Tribunal utilise dans la préparation de ses dossiers, le Tribunal est en droit de se fonder sur des renseignements médicaux génériques faciles à obtenir. Ce point n'est pas en cause, et il a récemment été confirmé dans la décision Deschênes, dont le comité traite ci-après.
La décision Deschênes
Dans l'affaire Deschênes, la Cour fédérale a conclu que le Tribunal avait commis une erreur en ne donnant pas au requérant la possibilité de formuler des observations sur une question précise d'ordre médical que le comité avait apparemment relevée en consultant des textes médicaux après l'audience d'appel.
Dans cette affaire, les faits figurant au dossier du requérant avaient permis d'établir que celui-ci souffrait d'un certain problème de santé non lié à son service militaire, cause connue de l'affection faisant l'objet de la demande. Ce problème avait été en cause dans la demande du requérant dès le début, mais il n'avait jamais été soulevé de façon précise ni étudié en profondeur dans les décisions précédentes rendues par le ministre et, en révision, par le Tribunal, lors du rejet.
Ce n'est que lorsque le Tribunal a rendu sa décision concernant l'appel que les questions soulevées par l'existence de ce problème de santé ont été mises en évidence. Le comité d'appel a cité certains passages de textes médicaux génériques externes pour confirmer le consensus médical le plus répandu concernant les causes connues de l'invalidité faisant l'objet de la demande. Le comité d'appel s'est aussi fondé sur cette source d'information médicale externe lorsqu'il a rejeté l'avis d'un expert médical produit en preuve par le requérant, au motif que l'avis de cet expert n'était pas crédible parce qu'il ne traitait pas du rôle du problème de santé non lié au service militaire.
Lorsque la Cour fédérale a révisé la décision du comité d'appel du Tribunal dans l'affaire Deschênes, elle a souligné que le Tribunal était justifié de consulter des renseignements médicaux génériques et de s'y fier afin d'évaluer le rapport médical fourni en preuve et de relever les questions d'ordre médical que présentait l'affaire. Cependant, la Cour fédérale a aussi souligné que le Tribunal devait toujours donner au requérant l'occasion d'examiner toutes les questions d'ordre médical issues de la consultation d'information, et ce, avant que le comité tranche l'affaire. Dans la décision Deschênes, la Cour fédérale a conclu que le Tribunal avait commis une erreur parce qu'il n'avait jamais donné au requérant l'occasion de formuler des observations, avant que l'affaire soit tranchée, sur la question d'ordre médical dont le comité d'appel a fait mention dans sa décision.
Le problème relevé par la Cour fédérale dans la décision Deschênes peut être attribué, en partie, au fait que la décision ou le dossier du ministre contenait souvent peu ou pas d'information concernant l'étiologie de l'invalidité ou de l'affection faisant l'objet de la demande. Avant la décision Deschênes, il avait toujours été pratique courante pour les avocats-conseils, les membres du Tribunal et d'autres décideurs de consulter le Manuel Merck et d'autres sources d'information pour obtenir des renseignements médicaux génériques et se préparer en vue des audiences. Cependant, avant la décision Deschênes, ces renseignements médicaux génériques ne faisaient pas partie du dossier d'audience à moins que l'avocat-conseil ou les représentants choisissent de les fournir en preuve au Tribunal à l'audience.
Par conséquent, bien que les avocats-conseils joignent souvent des renseignements médicaux génériques à la preuve qu'ils présentent pour étayer leur cause aux audiences du Tribunal, aucune exigence ne les obligeait à le faire et il n'existait aucune pratique uniforme à cet égard.
Il convient donc de souligner que, avant la décision de la Cour fédérale dans l'affaire Deschênes, les avocats-conseils et les membres du Tribunal se fondaient systématiquement sur des renseignements médicaux génériques pour préparer leurs causes ou pour rendre une décision, mais que ces renseignements médicaux génériques ne constituaient pas un élément tangible du dossier d'audience en ce sens qu'ils figuraient dans le dossier uniquement si le requérant ou l'appelant les avait fournis lors de l'audience. En outre, les renseignements médicaux génériques ne faisaient pas partie de la documentation préalable à l'audience qu'on appelle l'exposé du cas, préparé avant l'audience.
Après la décision Deschênes, le Tribunal a revu sa procédure préalable à l'audience afin de trouver des moyens de mieux s'assurer que les questions d'ordre médical sont examinées à fond pendant les audiences du Tribunal. Il a conclu que la véritable question que soulevait la décision Deschênes était de savoir comment le Tribunal pouvait améliorer ou faciliter l'identification des questions d'ordre médical avant la tenue des audiences ou pendant celles-ci. Le Tribunal a déterminé qu'il pouvait y arriver en incluant des renseignements médicaux de base dans son exposé de cas. Il a conclu qu'il était nécessaire d'inclure des renseignements médicaux génériques de base surtout lorsque les Directives médicales et les Lignes directrices sur l'admissibilité au droit à pension du Ministère ne traitaient pas de l'invalidité ou de l'affection faisant l'objet de la demande. Le Tribunal a alors commencé à inclure des renseignements médicaux génériques de base dans son exposé de cas, et en a fait une pratique courante.
En outre, le Tribunal a aussi commencé à inclure un document intitulé « Renseignements dont tiendra compte le Tribunal au moment de rendre la décision vous concernant », qui décrit l'exposé de cas, et d'autres sources d'information, notamment de nature médicale, que le Tribunal utilise. Ce document contient un résumé détaillé de deux pages des différents textes et documents de nature médicale que consultent les membres du Tribunal lorsqu'ils entendent des causes. Il contient également une liste des principaux outils que le Tribunal utilise pour rendre ses décisions, c'est-à-dire les principales sources d'information juridique ainsi que les Directives médicales et les Lignes directrices du Ministère. Le résumé dresse aussi une liste de documents de travail, d'ouvrages et de documents de référence externes, d'autres documents et, enfin, de « sites médicaux ». Cette liste fait mention de la clinique Mayo, du Manuel Merck et de la revue scientifique The New England Journal of Medicine.
Cette documentation supplémentaire est semblable aux Cartables nationaux de documentation, Exposés et Documents d'information sur un pays que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié utilise. Les requérants qui n'ont peut-être pas accès à ces sources d'information peuvent prendre connaissance des renseignements que contient la trousse ajoutée à leur dossier.
L'inclusion de ces documents de référence médicale découle directement des points soulevés par la Cour fédérale dans la décision Deschênes. Il importe toutefois de noter que les renseignements et documents médicaux génériques, qu'ils soient ou non présents dans l'exposé de cas du Tribunal, n'ont aucune incidence sur les questions d'ordre médical soulevées dans le cadre de l'affaire. Ils permettent simplement d'apporter un éclairage supplémentaire sur ces questions, au profit des requérants. Les avocats-conseils, qui ont l'expérience de la préparation de dossiers d'invalidité, savent vraisemblablement très bien qu'ils doivent relever et traiter toutes les questions pertinentes d'ordre médical qui se rapportent au dossier de leur client lorsqu'ils préparent leur preuve et leurs arguments. En effet, il arrive souvent que les avocats-conseils présentent eux-mêmes des extraits de documents de la clinique Mayo et du Manuel Merck pour appuyer et défendre la cause de leur client.
Selon la décision Deschênes, si, par erreur, des renseignements médicaux génériques n'ont pas été inclus dans l'exposé de cas du Tribunal, comme cela s'est produit en l'espèce, il faut tout de même veiller à ce que toutes les questions d'ordre médical et causal soient bien identifiées et à ce que l'appelant ait l'occasion d'en traiter dans ses observations. Dans un tel cas, il convient de fournir les renseignements médicaux génériques à l'avocat-conseil dès qu'il est constaté que ceux-ci ne figurent pas dans l'exposé de cas et de lui donner le temps nécessaire pour en prendre connaissance et formuler des observations s'ils soulèvent des questions qu'il n'a pas déjà abordées dans ses observations.
Équité procédurale
L'avocate-conseil a contesté le fait que le Tribunal a pris en considération un article de la clinique Mayo pour rendre sa décision, soutenant qu'il s'agissait là d'un manquement à l'équité procédurale.
Dans l'affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême décrit les principes à prendre en considération pour déterminer s'il y a eu violation de l'équité procédurale fondamentale. Les « facteurs Baker », tels qu'ils sont maintenant bien connus, sont les suivants :
- S'il existe une obligation d'équité procédurale;
- La nature du régime législatif;
- L'importance de la décision pour les personnes visées;
- Les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision;
- Si la procédure choisie par le décideur lui permet de s'acquitter de l'obligation et est appropriée compte tenu des circonstances.
Il ne fait aucun doute que le Tribunal doit respecter les principes d'équité procédurale dans le cadre de ses audiences. Il doit par conséquent donner à l'appelant l'occasion de formuler des observations sur toutes les questions se rattachant à l'affaire en cause avant de rendre une décision, surtout si ces questions risquent de nuire à celui-ci.
Le comité convient donc que, en l'espèce, il y aurait eu violation de l'équité procédurale si, avant de rendre sa décision, le comité n'avait pas donné à l'avocate-conseil une occasion raisonnable de prendre connaissance des renseignements médicaux génériques et de formuler d'autres observations si elle souhaitait. Le comité rejette l'allégation de l'avocate-conseil selon laquelle le Tribunal ne peut prendre en considération des renseignements médicaux génériques ou d'autres renseignements à moins que ces renseignements soient reproduits et inclus dans la trousse préparatoire du Tribunal. Le Tribunal n'a qu'à porter à l'attention de l'avocate-conseil les questions que les renseignements soulèvent et à lui donner l'occasion de formuler des arguments à leur sujet.
Rien dans la décision Deschênes n'empêche le Tribunal de prendre en considération des renseignements médicaux génériques lorsque, par erreur, un chapitre ou un article contenant des renseignements médicaux génériques n'a pas été inclus dans la trousse préparatoire du cas ou dans l'information fournie à l'appelant avant l'audience. Dans la décision Deschênes, la Cour a précisé très clairement que le Tribunal était autorisé à consulter et à prendre en considération des sources d'information externes pour rendre ses décisions. Cependant, l'appelant doit se voir donner l'occasion de répondre aux nouvelles questions soulevées lors de la consultation de ces sources d'information, surtout si ces questions viennent contredire les allégations de l'appelant.
Les renseignements médicaux génériques que l'avocate-conseil conteste en l'espèce ont trait à l'étiologie et aux causes fondamentales de l'affection faisant l'objet de la demande, c'est-à-dire l'AOS. Il s'agit du genre d'information qu'un avocat-conseil ou un représentant aurait vraisemblablement examinée dans le cadre de sa préparation en vue de l'audience, que ces renseignements aient été ou non fournis par le Tribunal. Étant donné que les affaires dont le Tribunal est saisi ont trait à des questions d'ordre médical, le Tribunal s'attend à ce que tous les avocats-conseils qui comparaissent devant lui soient tout à fait au courant des questions fondamentales d'ordre médical qui sont soulevées dans le cadre des audiences de révision et d'appel. C'est particulièrement le cas lorsqu'il s'agit d'un appel en matière d'admissibilité, lorsque la décision faisant l'objet de l'appel est directement liée à la question de savoir si le service militaire est à l'origine de l'affection faisant l'objet de la demande. Dans le cas qui nous occupe, les causes de l'AOS, et plus précisément le fait de savoir si l'AOS pourrait être liée au service militaire, constitueraient les questions fondamentales importantes, peu importe que des renseignements médicaux génériques aient ou non été inclus dans la trousse préparatoire du cas.
Pour ce qui est de l'équité procédurale, le Tribunal sait pertinemment : 1) qu'il est tenu de s'acquitter de l'obligation d'équité procédurale à l'égard de l'appelant; 2) que son régime législatif lui permet de bien assurer cette équité; 3) que les décisions qu'il rend revêtent une grande importante pour les appelants; et 5) que la procédure que le comité a choisi de suivre en l'espèce assure un équilibre approprié permettant à l'appelant de tenir compte de tous les renseignements généraux sur lesquels le comité prévoit fonder sa décision.
En ce qui a trait au quatrième facteur, à savoir les attentes légitimes de l'appelant, le comité tient simplement à préciser que l'attente la plus légitime que pourrait avoir une personne qui conteste une décision rendue à un échelon inférieur est que l'organisme d'appel dispose de la plus grande quantité de renseignements et d'éléments de preuve qu'il lui est raisonnablement possible d'avoir pour trancher l'affaire. Le comité est d'avis que le fait d'aller de l'avant en l'absence de preuve, de savoir que des renseignements supplémentaires pertinents existent mais de ne pas en tenir compte, ne constitue pas une attente « légitime » selon la décision Baker.
Le Tribunal tiendra compte des renseignements médicaux génériques ainsi que des autres éléments de preuve au dossier pour rendre sa décision. Étant donné que l'avocate-conseil n'avait pas reçu les renseignements médicaux génériques sur l'AOS avant l'audience parce que le Tribunal avait omis de les inclure dans l'énoncé de cas, il était juste et approprié d'ajourner l'audience pour que l'avocate-conseil ait suffisamment de temps additionnel pour en prendre connaissance et pour préparer des observations, si elle le souhaitait.
Article 40 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel)
L'article 40 est ainsi libellé :
40. Dans la mesure où les circonstances et l'équité le permettent, le Tribunal fonctionne sans formalisme et en procédure expéditive.
L'avocate-conseil est intervenue et a déclaré que le comité violerait l'article 40 s'il lui donnait plus de temps pour prendre connaissance de l'article de la clinique Mayo.
À l'audience, le comité a indiqué à l'avocate-conseil qu'il était en mesure de déterminer lui-même quelle était la meilleure façon de se conformer à l'article 40. Le Tribunal, maître de son propre processus, doit déterminer quelle est la meilleure façon de concilier l'équité, l'absence de formalisme et la rapidité dans ses processus d'audience.
Comme l'a conclu la Cour suprême dans Baker, et dans de nombreuses affaires avant et après cette décision, les tribunaux disposent d'une grande latitude pour créer ou adopter les procédures les plus susceptibles de les aider à assurer l'équité procédurale dans le cadre de leurs processus d'audience. La procédure que le Tribunal utilise pour assurer l'équité dépend du contexte et des circonstances de l'affaire, mais l'objectif que vise le Tribunal en vertu de l'article 40 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est d'adopter une procédure qui est à la fois juste, rapide et informelle. Dans la mesure où il existe un conflit d'intérêts inhérent dans l'article 40 entre l'équité, la rapidité et l'absence de formalisme, le meilleur moyen de résoudre ce conflit n'est pas de sacrifier complètement les intérêts de l'équité. Il faut plutôt établir un équilibre entre les divers intérêts exposés à l'article 40 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).
L'équité comporte divers aspects dont il faut tenir compte. D'une part, l'équité doit être présente sur le plan individuel, en ce sens que chaque cas doit être décidé en fonction des faits et du bien-fondé qui lui sont propres. Un autre aspect de l'équité tient au fait que les requérants et les appelants sont en droit d'être traités de façon juste, équitable et uniforme par rapport aux autres personnes qui sont dans des situations semblables ou qui ont été parties à des affaires semblables dont le Tribunal a été saisi.
Autrement dit, l'équité exige que le Tribunal dispose d'une quantité suffisante de renseignements médicaux dans chaque cas pour rendre une décision éclairée, mûrement réfléchie et rationnelle sur les questions d'ordre médical que soulève la demande. Cependant, étant donné que les audiences du Tribunal sont de nature non accusatoire, ce qui signifie qu'aucune partie n'a la responsabilité de fournir ou d'ajouter une quantité objective ou minimale de renseignements génériques sur les questions d'ordre médical soulevées par l'affaire, le Tribunal a jugé nécessaire d'inclure des renseignements médicaux génériques dans son exposé de cas lorsque ces renseignements ne figurent pas au dossier, ni dans les Directives médicales ou les Lignes directrices sur l'admissibilité au droit à pension du Ministère. L'inclusion de renseignements médicaux génériques dans l'exposé de cas est une innovation procédurale qui favorise la transparence et facilite l'identification des questions principales à l'audience au profit des comités, des requérants, des appelants et de leurs représentants, puisqu'ils ont tous ainsi accès aux mêmes renseignements médicaux génériques de base sur l'affection ou l'invalidité faisant l'objet de la demande.
L'inclusion de renseignements médicaux génériques dans l'exposé de cas est l'un des moyens que le Tribunal a essayé de mettre en oeuvre pour créer un processus répondant aux intérêts de l'équité de façon informelle et expéditive conformément à l'article 40 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Cependant, la production de renseignements médicaux génériques pertinents à l'audience respecte elle aussi les exigences de l'article 40, si la procédure est adaptée de manière à donner à l'avocat-conseil l'occasion de répondre aux questions que soulèvent les renseignements médicaux, comme c'est le cas en l'espèce.
Conséquences liées au processus d'audience non accusatoire
À l'audience, l'avocate-conseil a affirmé que le Tribunal, en ajoutant au dossier de l'information comme l'article de la clinique Mayo, pouvait donner l'impression de s'ériger en adversaire. Le comité juge nécessaire d'aborder les questions juridiques que soulève cette affirmation.
Le Tribunal est un tribunal inquisiteur conformément à l'article 14 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) :
14. Le Tribunal et chacun de ses membres ont, pour l'exercice des fonctions que leur confie la présente loi, les pouvoirs d'un commissaire nommé au titre de la partie I de la Loi sur les enquêtes.
Les instances du Tribunal sont non accusatoires et non contradictoires, en ce sens qu'aucune partie ne s'oppose à la demande. Aux audiences du Tribunal, le requérant, l'appelant ou leurs représentants présentent des observations au Tribunal pour mettre en lumière les faits et les éléments qui tendent à appuyer la thèse défendue. Cependant, le ministre n'est pas présent pour apporter des éclaircissements sur les questions susceptibles de découler de la décision rendue au premier niveau ou pour répondre aux arguments présentés par un requérant ou un appelant à l'audience du Tribunal.
L'importance de cet élément tient au fait que les débats complets propres au processus contradictoire n'ont pas lieu dans le modèle d'audience inquisitoire du Tribunal. Il incombe donc aux membres du Tribunal, qui ont la responsabilité de rendre une décision avisée et fondée sur des données probantes, d'étudier et d'évaluer le bien-fondé de la demande et de veiller à ce que tous les faits et éléments pertinents soient totalement clairs avant de rendre leur décision.
Le comité souligne qu'il est bien établi qu'un tribunal inquisitoire doit étudier de façon approfondie les faits d'une affaire. Dans la décision Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 C.F. 461, le juge Mosley a écrit ceci :
[98] À mon avis, la conclusion selon laquelle le législateur souhaitait que le processus soit de nature plus inquisitoire qu'accusatoire est appuyée par le texte de la loi. Malgré le témoignage du professeur Galloway et le fait que la Cour soit au courant d'exemples flagrants d'interrogatoires hostiles et musclés, je ne suis pas convaincu qu'un manquement à cette intention du législateur par les APR ou les commissaires dans certains cas établisse le fait que les audiences sont de nature accusatoire. Le processus n'a pas été conçu pour être une contestation entre des parties ayant des intérêts opposés, mais plutôt une enquête visant à déterminer si la demande d'asile au Canada est légitime. Dans ce contexte, un examen approfondi du bien-fondé de la revendication est compatible avec la nature du processus et les rôles du commissaire et de l'APR.
Bien qu'un requérant inexpérimenté puisse avoir l'impression que les questions quelque peu pénétrantes d'un comité à une audience sont teintées de confrontation, les membres chevronnés du Barreau devraient pouvoir facilement faire la distinction.
De toute façon, le comité a simplement présenté à l'avocate-conseil le consensus médical concernant l'AOS tel qu'il est décrit dans une source de bonne réputation, exposant de façon plus détaillée la référence à la « littérature médicale » qui figurait dans la décision du ministre. Le comité ne croit pas que les renseignements médicaux génériques ont soulevé des questions vraiment « nouvelles », ou des questions dont l'avocate-conseil n'aurait pas été au courant avant l'audience. En fait, l'article de la clinique Mayo précise que l'obésité et le fait d'avoir un surplus de poids constituent le principal facteur de risque de l'AOS. L'obésité est également le fondement principal des arguments présentés en l'espèce par l'avocate-conseil au nom de l'appelant. Les renseignements tirés de l'article de la clinique Mayo confirmaient les causes connues de l'AOS et ne soulevaient aucune question nouvelle ou controversée.
À la reprise de l'audience, l'avocate-conseil a présenté des observations supplémentaires sur l'article de la clinique Mayo et a reconnu que [traduction] « [...] l'article [...] ne contredit pas les faits invoqués par l'appelant ».
Résumé
Le comité espère que les commentaires ci-dessus permettront de répondre en tous points aux objections soulevées par l'avocate-conseil. Le comité espère aussi qu'ils permettront d'expliquer la position du Tribunal en ce qui a trait à l'équité procédurale et au processus qu'il convient d'utiliser lorsqu'un comité présente à l'audience des renseignements médicaux génériques qu'il juge pertinents relativement aux éléments d'une affaire.
Le bien-fondé – Apnée obstructive du sommeil
De l'avis du comité, il faut répondre aux questions suivantes :
- Quelles sont les causes connues ou les caractéristiques de l'apnée obstructive du sommeil qui sont pertinentes dans le cas de l'appelant?
- De ces causes pertinentes, certaines d'entre elles sont-elles directement reliées à la polyarthrite rhumatoïde dont souffre l'appelant et pour laquelle il reçoit déjà une pension?
- Le cas échéant, quelle proportion, en cinquièmes (1/5 à 5/5), correspond à ce lien aux fins de l'admissibilité à une indemnité d'invalidité en vertu de l'article 46 de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes?
Pour répondre à la première question, le comité se fonde sur l'article de la clinique Mayo et constate que les facteurs de risque suivants semblent clairement établis dans le profil et les antécédents médicaux de l'appelant :
- Il a un surplus de poids (le fondement principal de l'appel qui nous occupe);
- Il a un gros cou (page 36, rapport des Drs Karani/Rebello);
- Il a des voies respiratoires étroites (page 36, commentaires de l'anesthésiologiste);
- Il souffre d'hypertension (contrôlée, page 36, rapport des Drs Karani/Rebello);
- C'est un homme;
- Il boit de l'alcool et prend des sédatifs ou des calmants (page 37, rapport des Drs Karani/Rebello);
- Il a déjà fumé (50 paquets par année, il a cessé vers l'an 2000, page 36, rapport des Drs Karani/Rebello).
Des facteurs de risque énumérés ci-dessus, seul le fait d'avoir un surplus de poids a été déclaré, en lien avec la polyarthrite rhumatoïde dont souffre l'appelant et pour laquelle il reçoit une pension.
En ce qui a trait à la deuxième question, le comité de révision a accepté l'argument selon lequel l'apnée du sommeil dont souffre l'appelant était attribuable à son poids. De fait, le conseiller médical du Ministère a aussi confirmé ce lien. Le comité d'appel ne conteste pas le lien établi entre l'AOS et la prise de poids.
En l'espèce, il est plutôt question du lien qui existe entre la prise de poids de l'appelant et l'arthrite.
Le comité de révision a conclu que le lien n'était pas direct, en ce sens que l'appelant ne semblait pas avoir pris toutes les mesures appropriées pour contrôler son poids à l'aide de moyens autres que certains types d'exercices qu'il n'était pas en mesure de faire en raison de sa polyarthrite. Le comité de révision a aussi souligné que l'appelant avait admis qu'il manquait de motivation pour essayer d'autres formes d'exercices, comme la natation, et pour contrôler son apport calorique en suivant un régime.
En raison de la nature multifactorielle de l'obésité dont souffre l'appelant, le comité de révision n'a pas été en mesure d'établir un lien précis et significatif entre la polyarthrite pour laquelle il reçoit une pension et l'apnée du sommeil dont il souffre.
Le comité d'appel a pris en considération la nouvelle lettre de la Dre Pacis ainsi que tous les documents qui figuraient déjà au dossier. Voici un extrait de la conclusion principale de la Dre Pacis (RD-W1) :
[traduction]
À mon avis, les causes de l'AOS dont souffre l'appelant sont probablement multifactorielles : l'aggravation de son OBÉSITÉ est attribuable au manque de mobilité découlant de l'enflure et de la douleur aux genoux, ainsi qu'à la raideur causée par de l'arthrite inflammatoire et de l'arthrose secondaire. Ses choix alimentaires et ses portions. Son « manque de motivation », comme il le prétend, peut être un signe de fatigue causée par la PR ou la dépression. Les médicaments qu'il prend pour soigner sa dépression sont aussi un élément à prendre en considération. De façon générale, les antidépresseurs peuvent entraîner une prise de poids surtout chez les patients qui sont sédentaires, quelle qu'en soit la cause. Dans le cas de l'appelant, il s'agit d'une immobilité causée par l'enflure, la raideur et les douleurs dans l'articulation des genoux.En conclusion, la PR et l'arthrose secondaire grave dont souffre l'appelant, jumelées à l'incapacité de mener une vie active et de faire de l'exercice tous les jours, constituent un facteur aggravant, sinon la cause de son AOS, de façon générale. Le manque d'énergie et la fatigue qu'il ressent en raison de la dépression, la PR dont il souffre et le poids qu'il a pris à cause de ses antidépresseurs (Venlafaxine) jouent aussi un rôle.
Bien que le médecin tente d'établir un lien direct (du moins en partie) entre l'AOS et l'arthrite dont souffre l'appelant, le comité d'appel conclut qu'aucun lien direct crédible n'a été établi entre ces nombreux canaux de causalité. De l'avis du comité, le poids de l'appelant constitue chez lui la principale cause d'AOS. Cependant, son surplus de poids n'a pas encore été relié directement de façon crédible à sa PR. Le médecin n'a pas abordé l'élément important que constituent les antécédents de l'appelant.
Au moment de son enrôlement en 1989, l'appelant s'est fait dire qu'il avait pris du poids et s'est fait conseiller de perdre 10 livres. C'était bien avant que le diagnostic de PR ne soit établi. Plus tard, alors qu'il était toujours dans l'armée, il a continué de prendre du poids – à une époque où il était vraisemblablement plus actif. Il a pris du poids avant de recevoir un diagnostic de PR et avant que des préoccupations relatives à l'apnée du sommeil figurent à son dossier.
Comme on le sait, le poids corporel est directement influencé par le rapport entre l'apport calorique et le nombre de calories dépensées au moyen de l'exercice ou d'autres activités et mouvements quotidiens. La prise de poids peut aussi être causée par le métabolisme, le système endocrinien et d'autres systèmes corporels. À la connaissance du comité, aucun de ces éléments n'a été étudié, et la prise de poids de l'appelant aurait été causée par la PR et de l'arthrose au genou gauche.
Étant donné qu'il existe une constellation de facteurs contributifs possibles à l'obésité dont souffre l'appelant et bien des facteurs contributifs à son apnée du sommeil, le fil est tout simplement trop mince pour permettre d'établir un lien direct raisonnable entre la nouvelle invalidité sur laquelle porte sa demande et la polyarthrite rhumatoïde dont il est atteint.
Une évaluation médicale complète du poids de l'appelant est requise, y compris de tous les éléments qui y ont raisonnablement contribué. Cette évaluation devra tenir compte du fait que, déjà lors de son réenrôlement en 1981 [P20], l'appelant affichait un indice de masse corporelle de 27, ce qui le classait dans la catégorie « embonpoint ». Il a aussi été classé dans cette catégorie en 1986 [IMC de plus de 30, P24-25], mais il n'a reçu de diagnostic de PR que bien des années plus tard, en 1998.
Le comité conclut que l'appelant – afin de satisfaire à l'exigence d'établir le lien allégué – devrait se voir accorder l'admissibilité à une indemnité d'invalidité pour obésité, soit à titre de conséquence de sa PR ou d'une autre affection quelconque ouvrant droit à pension, ou subsidiairement en raison de son service dans la Force régulière. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il sera possible de rendre une décision raisonnable qui tiendra compte, de façon proportionnelle, de tous les facteurs de risque liés à l'AOS.
Par conséquent, il n'est pas nécessaire de répondre à la troisième question à ce moment-ci, et la décision du comité de révision est jugée raisonnable et correcte, compte tenu de la preuve.
DÉCISION
Pour les motifs énoncés ci-dessus, la décision du comité de révision datée du 17 août 2011 est confirmée.
Lois pertinentes :
Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes. [L.C.2005, c. 21.]
article 45
Article 46
Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). [S.C. 1987, ch. 25, art. 1; L.R.C. 1985, ch. 20 (3e suppl.), art. 1; L.C. 1994-95, ch. 18, art. 1; TR/95-108.]
article 3
article 25
article 39
Pièces déposées en preuve :
- RS-S1:
- Rapport de la Dre Ruth Pacis daté du 3 janvier 2012.
- RS-S1:
- Lettre de l'avocate-conseil à la Dre Pacis datée du 18 octobre 2011.
- RS-S1:
- Lettre de l'appelant datée du 1er décembre 2011.
- RS-S1:
- Article provenant du site Web www.mayoclinic.com intitulé Obstructive Sleep Apnea (information fournie par le comité d'appel à l'audience le 5 juillet 2012).